Présentation du projet de thèse
Ce projet de thèse propose une recherche interdisciplinaire sur l’azote réactif (AR), une famille de composés chimiques dont les usages, les représentations et les effets traversent les champs scientifique, industriel, environnemental, sanitaire et politique.
Positionné à l’interface entre biochimie et sociologie des sciences, ce travail prend appui sur un objet central mais encore peu discuté dans les sciences sociales : l’azote réactif, et plus particulièrement le monoxyde d’azote (NO°), élu molécule de l’année par la revue Science en 1992. La découverte du rôle physiologique du NO° conduisit au prix Nobel de Médecine en 1998 et à l’émergence d’un nouveau champ de recherche porté par un important soutien financier public et privé, et marqué par la création de nouvelles sociétés savantes, congrès et journaux scientifiques et par la publication de plus de 200 000 articles scientifiques en 30 ans. À la croisée des promesses biomédicales et des controverses scientifiques, le NO° cristallise une tension entre d’un côté, des espoirs thérapeutiques très forts et de l’autre, des conséquences sanitaires majeures et encore mal maîtrisées.
Problématique et axes de recherche
Le projet s’articule autour de deux grands axes :
- Axe 1 – Promesses et limites de l’innovation scientifique.
Il s’agit d’analyser les trajectoires de recherche autour du NO depuis les années 1990 : quelles promesses ont été formulées, dans quels contextes, et pourquoi certaines d’entre elles n’ont-elles pas été tenues ? L’étude portera autant sur les obstacles scientifiques et épistémologiques que sur les dimensions institutionnelles ou politiques (fragmentation disciplinaire, financement, coordination des recherches, etc.).
- Axe 2 – Circulations, appropriations et récits
Cet axe suit le NO et l’azote réactif dans les différents espaces sociaux – laboratoires, industrie, régulation, politique, société civile – pour comprendre comment cette entité biochimique est mobilisée, qualifiée, valorisée, contestée. On s’intéressera en particulier aux représentations contradictoires qui coexistent (molécule bénéfique / molécule toxique), aux usages problématiques ou incomplets, et aux effets de ces circulations sur les politiques publiques et les usages sociaux.
Méthodologie
La démarche adoptée est pluridisciplinaire et croisera :
- une compréhension de la nature biochimique de l’objet
- des outils issus de la sociologie des sciences, de l’histoire des techniques, et des études sur les controverses
Les données à collecter seront :
- Données bibliométriques : exploitation des bases de données de type OPENALEX / WOS
- Corpus documentaire : analyse approfondie des archives scientifiques, des publications clés, des brevets et des rapports institutionnels liés au NO et à l’AR, de la couverture médiatique du NO depuis les années 1980
- Entretiens semi-directifs : une série d’entretiens sera réalisée avec différents acteurs ayant contribué à l’étude et à l’usage du NO, notamment : Des chercheurs et chercheuses ayant travaillé sur les applications biomédicales ou écologiques du NO ; Les scientifiques membres de la NO Society, communauté savante dédiée au progrès des connaissances sur la molécule NO ; Des industriels impliqués dans la valorisation technologique des composés réactifs de l’azote ; Des décideurs politiques et des experts ayant encadré la régulation ou les politiques publiques concernant le NO et l’AR.
Résultats attendus et apports
Sur le plan scientifique, cette recherche vise à établir l’état des représentations sociales et scientifiques de l’azote réactif/NO°, à identifier les points de friction entre mondes savants et espaces publics, marchands et politiques, et à proposer une analyse des mécanismes de promesse, de valorisation et de mésusage des savoirs. La thèse vise à enrichir les débats sur les conditions de circulation des innovations et sur les modalités de production de savoirs dans les sciences de la vie.
Sur le plan social et politique, elle contribuera à une meilleure compréhension des enjeux sanitaires et écologiques liés à l’AR, et formulera des recommandations à destination des décideurs pour mieux articuler expertise, responsabilité et politiques publiques.
Encadrement et environnement de recherche
- Encadrement :
- Jérôme Santolini (biochimiste, DR CEA – Laboratoire Stress Oxydant et Détoxication)
- Michel Dubois (sociologue, DR CNRS)
- Catherine Guaspare (sociologue, IE CNRS)
- Unités de recherche :
- CEA – DRF/Joliot : expertise sur NO°, l’azote réactif et les approches redox systémiques
- GEMASS – CNRS-Sorbonne Université : sociologie des sciences et des techniques
Le ou la doctorant·e bénéficiera d’un cadre de recherche stimulant, mêlant investigation scientifique et réflexivité critique, avec une forte ouverture interdisciplinaire et en lien avec les enjeux sanitaires et d’information scientifique.